Courrier des Lecteurs
Note de lecture sur « Happycratie » de Chantal Masquelier-Savatier, A-Dire N°7
Bravo pour ce commentaire mais, après l'avoir lu, j'adhère encore moins aux thèses d'Eva Illouz qu'avant.
J'ai passé ma jeunesse à reporter le bonheur au temps du paradis. Ensuite, c'était pour après le "grand soir". Alors maintenant, c'est "paradise now !"
Certes l'épanouissement personnel ne se fait pas sans transformation de son environnement. Certes, nous ne sommes pas seuls sur terre et, comme pour tous les mammifères, l'empathie ou la sympathie vis-à-vis de nos proches ou moins proches est constitutive de notre bonheur. Certes, aujourd'hui, j'ai "mal à mon Gaza" et "mal à mon Ukraine" !
Mais il me semble qu'une des leçons du mouvement du potentiel humain est de détrôner la récrimination vis à vis des autres de la place centrale qu'elle a sociètalement.
Après, que certains le reçoivent comme une "injonction au bonheur", je peux le comprendre.
Mais, pour ma part, je préfèrerais parler d'invitation à la joie plutôt que d'injonction au bonheur. La joie est dynamique là où le bonheur est (illusoirement) statique.
Bref, je ne serai pas un "happycrate" ni un dénigreur des "happycrates". Mais peut-être un "joycrate".
Voilà : réaction spontanée
Jean-François Gervet
Dernière parution de A Dire (N° 7)
Je félicite toute l’équipe de réalisation ; et pourtant, je me suis doublement interrogé :
Déconstruire, (Emmanuelle Gilloots), interroger nos implicites (Stephanie Féliculis), se démarquer des idéologies (Cédric Le Bas), oser questionner nos pratiques (Frédérique Davérat) et nos croyances, vivre l’impérieuse nécessité pour le thérapeute de se réformer (Sylvie Schoch de Neuforn) … Certes j’en comprends l’intention qui est de se rapprocher du vivant, de l’être là.
Ces interrogations (permanentes) m’interpellent à mon tour :
Le risque, me semble-t-il, serait d’ériger une nouvelle idéologie : celle du « ne pas savoir » « ne pas se soumettre à toute pré-construction » et sans cesse, questionner. Et malheur à ceux qui n’osent pas s’inscrire dans cette posture, qui seraient alors soumis à toutes les dominations idéologiques ou courants de pensée … bien-pensantes ! Nous pourrions dans nos milieux professionnels établir, de façon très paradoxale, une morale de ce qu’il est juste de penser ou de pratiquer en se gardant de s’attacher à toute pensée ou croyance limitantes ! Nous risquerions alors de dégager une morale gestaltiste du bien et du mal-faire thérapeutique !
Cette posture de questionnement, si elle ouvre à la singularité de l’être, expose aussi à l’insécurité. Rien n’est sûr. Tu ne peux t’appuyer que sur ton incertitude. Ta seule conviction sera ton doute et ton questionnement. L’horizon est nourri de la seule perspective de l’immédiateté vécue dans le contact. Il faut effectivement des années de thérapie et de pratique pour tenir cette posture. Il pourrait en découler pour nos clients, une contradiction entre leurs attentes, qui réclament repères et sécurité, et notre manière de travailler. Il serait dommage que notre pratique favorise une sorte d’élite intellectuelle et psychique qui saurait vivre en tolérant questionnements et déconstructions. Les autres n’étant pas à la hauteur, voire, au pire, intéressants !
Enfin je m’interroge (!) sur nos propres dogmes et loyautés. J’entends par là le PHG. Cet ouvrage constitue-t-il un espace de Vérités intangibles ? Comment osons-nous contester nos maîtres, interroger nos fondements comme la théorie du self, et peut-être les réformer ou les actualiser en fonction de notre environnement en 2025 ? Ce serait assez gestaltiste…
Mais tout cela n’est que sujet à déconstruction et interrogation !
Jean-Paul SAUZEDE
Échos du précédent numéro
Cet été, j’ai tranquillement lu les différents textes du numéro de printemps de A Dire. J’ai été attentive à prendre le temps de laisser résonner les différents propos et façons de s’exprimer. Certaines des minuscules bribes propres à « nourrir ma pensée » pour reprendre l’expression de Stéphanie Feliculis, l’ont fait d’une manière qui m’a rétrospectivement amusée. J’ai eu envie de vous le raconter.
En lien avec ce qui sans doute balisait mon paysage intérieur de ce début d’été, j’avais glané l’importance de l’ ‘’implicite’’, qui imprègne en douce les mouvements du corps et de l’esprit . En ce qui me concerne, j‘essaie d’y être attentive, même si les débusquer prend l’allure d’une quête sans fin, laissée de côté dès que m’habite un sentiment d’urgence...
J’avais aussi gardé l’idée de ‘’transformation’’ que Sylvie Schoch de Neuforn évoque sous son appellation en grec ancien, ‘’metanoïa’’. Je m’apercevais que, dans mon esprit, un phénomène qualifié ainsi revenait à le concevoir comme remarquablement sérieux, important... à la différence d’une banale transformation. Le clin d’œil de la « méthode Merleau-Ponty » me disait la même chose : une transformation minime (celle de « s’effacer tout en laissant deviner un monde ») observée dans la banalité du quotidien peut faire basculer une situation.
Ces différentes idées devaient encore m’imprégner l’esprit, bien que j’étais occupée à toutes sortes d’ autres choses. Elles ont ressurgi au milieu de la situation, un soir, que je me trouvais face à des armées d’escargots se balançant au bout de haricots verts que j’aurais préféré ramasser entiers plutôt qu’en dentelles.
J’avais clairement envie (sentiment tout à fait explicite !) de les exterminer sauvagement, brutalement, définitivement et systématiquement. Avec quelle mise en acte ? Ils sont si nombreux et si voraces qu’ils me semblent tout à fait hors contrôle à brève échéance. J’essaie, d’habitude, de m’orienter vers un mode de vie aussi écologique que possible, ce qui exclut une solution chimique. Mais je ne me suis quand même pas occupée de ces haricots tout le printemps pour le bonheur et la prospérité de ces petites bêtes que je n’aimerais même pas manger !
Et, curieusement, la ‘’méthode Merleau-Ponty’’ m’est alors revenue en tête. Par quels chemins ? Je n’en sais rien. C’est néanmoins à partir de là qu’une bulle d’idée est remontée depuis les profondeurs de mon esprit : déléguer les meurtres d’escargots aux hérissons habitant un champ un peu plus loin. J’attrapais un seau à couvercle et tous les escargots qui me tombaient sous la main s’y sont retrouvés.
Serait-il possible de qualifier de metanoïa la transformation d’un tel coup de sang impuissant en action banale, quotidienne, minuscule et sans éclat particulier ? Je ne sais pas. En attendant, sous l’angle de la transition écologique, les équilibres biologiques ont moins été dégradés que si j’avais utilisé de la chimie. Sous l’angle de la pratique de la gestalt-thérapie en milieu ouvert et avec des non-humains qui me concerne (le versant ‘’organisme’’ de la relation organisme / environnement) par contre, il me semble avoir encore à progresser. ! Même avec le soutien bien involontaire de M. Merleau-Ponty, je n’ai pas vraiment trouvé un chemin de co-construction satisfaisant.
Je retiens alors de cet épisode d’été que coopérer avec (très) différent de soi est un travail au long cours dans l’évolution personnelle et la maturation de soi. Dans la perspective des multiples crises dans lesquelles nous plongeons, j’ai encore certainement besoin d’élargir mes perspectives de gestalt-thérapeute !
Claude Falgas
À Dire n° 8 - Automne 2024 - Sommaire
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